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« La tendresse a des secondes qui battent plus lentement que les autres. »

Emile Ajar
S'ABANDONNER A LA VOLONTE COSMIQUE - TOTEM

Je suis assise au bord de la rivière. Pas le moindre souffle de vent. La surface de l’eau est claire. Je t’aperçois qui me regarde du haut de ton moulin, tendrement, par-dessus mon épaule. Je te souris, un peu impressionnée, et je te dis quelques mots que tu ne peux pas entendre. La distance est telle qu’elle nous protège l’un de l’autre.

J’ai été prise d’une envie folle d’aller à ta rencontre, de plonger les yeux fermés dans l’inconnu, de briser la fatalité qui m’entrave, d’arrêter de rêver et d’y aller vraiment. D’entre-mêler nos solitudes. Le matin du départ, je suis passée au marché pour faire des provisions, j’ai fait un stop au café et j’y ai retrouvé Lalha le bandit, le beau passe-muraille. J’ai bien fait de ne pas me précipiter. « On se voit quand tu veux princesse » il m’a lancé, en déposant sur ma main un baiser. Je n’en finirai jamais d’être sentimentale. J’ai roulé vite pour te rejoindre.

Agenouillée au bord de l’eau, je te vois qui me regarde perché sur ton moulin. Ma jument se désaltère, brouillant la netteté du reflet, tu disparais. Je suis arrivée à l’endroit où j’ai promis d’ensevelir mon egotrip, retrouver de la légèreté. Il est donc temps de creuser. Les mains sauront fouiller et mon coeur s’abandonner. Voilà c’est fait. La jument a eu le temps de se reposer. Je la chevauche, je suis prête à repartir. Merde ! mon chapeau…

Trois jours à déparler, à t’écouter et te regarder faire. A te suivre avec un doux abandon. Trois jours pour que renaisse au creux de moi la fleur nénuphar déposée il y a des années. Ci-gît au quatre-chemins la Vieillie complainte de l’enfance infinie et du paradis perdu. Les premiers traits, les premiers mots sont apparus de l’histoire d’après débutée il y a déjà bien longtemps. J’attends avec calme impatience le moment de me mettre au travail.

Ah… si l’Amérique était tout prêt, je galoperais jusqu’au sud, les cheveux tressés en deux nattes qui plongeraient jusqu’à mes reins. Le dos nu et du rouge sur mes lèvres.

Si j’avais pu, avant de partir, je t’aurais embrassé de tous mes bras. J’aurais posé mon coeur sur ta poitrine et je l’aurais laissé galoper pour qu’il résonne jusqu’au tien. Tu as mis ta main sur mon épaule, j’ai regardé le bout de mes pieds. Et puis je suis partie. Je crois que je reviendrai. Je n’ai pas fini de te regarder.
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